Les cales pleines de formidables souvenirs des Fêtes maritimes de Brest et Douarnenez, An Eostig (« Le Rossignol » en breton), bateau ambassadeur de la cité Penn Sardin, a retrouvé son nid au Port-Musée fin juillet.
Parti le 10 juillet du port de Tréboul avec son équipage de bénévoles de l’association Treizour, l’oiseau rare, qui n’avait pas navigué depuis presque 30 ans, n’a pas ménagé ses efforts pour tenir son rang au milieu d’un aréopage fringant de vieux gréements tous plus beaux les uns que les autres, réunis pour des fêtes comme le Finistère n’en avait pas connues d’aussi fastes depuis huit ans.
Pour les équipiers et leurs deux capitaines/formateurs de la mairie, Nicolas Corre et Bruno Lehuédé, c’était l’aboutissement de quatre mois d’entraînement intensif, au cours desquels chacun avait un poste précis tant pour les manœuvres que pour la vie à bord.
Défi relevé, haut l’aviron ! Des redoutés Tas de Pois, au créneau serré sur le Quai Malbert à Brest, le Rossignol n’a pas failli, volant sur les flots avec une simple brise, se faisant largement remarquer par sa coque noire pimpante, ses larges voiles tannées de frais et ses manœuvres au cordeau.
Comment oublier l’arrivée, en toute intimité, dans une nuée de voiles serrées, dans le port de Brest et le regard médusé du pilote du Zodiac de sécurité découvrant qu’An Eostig venait de faire tout ça sans moteur…
Sur les pontons brestois, la magnifique exposition conçue par Jacques Van Geen sur L’Epopée sardinière, transportée dans les cales, et montée dès l’arrivée par tout l’équipage et son créateur, a aussi attiré beaucoup de curieux et suscité des échanges riches et nombreux.
« An Eostig, si je m’attendais, je ne pensais jamais la revoir naviguer, cette chaloupe sardinière de Douarnenez », s’est exclamé un passionné qui réservait des tournées de croissants à ses bateaux préférés.
La vie à bord a aussi captivé les passants : « vous dormez à bord, mais vous êtes combien ? Et vous tenez à 12 là-dessous ? ». Un petit tour sous le pont, où sans pouvoir tenir debout, il faut slalomer entre les barres de plombs, l’ossature du navire, les hamacs serrés en échappant aux flaques de fond de cale, achevait de les convaincre de notre passion pour ce bateau.
Les repas sur le tolenn avec la tête du cuisinier du jour qui dépasse de la trappe d’accès et envoie les plats dans la bonne humeur ont aussi clairement fait recette !
Pour la Grande Parade du retour à la maison, moment unique s’il en est entre Tas de Pois et Abeille Bourbon toute en geysers, Camille Gontier, le président des Fêtes maritimes de Douarnenez nous a fait l’honneur d’un long passage à bord.
Pour l’occasion, notre capitaine de croisière, Nicolas, a déroulé les voiles rouges, avec un ballet improvisé de configurations de toiles inédites pour capter la moindre parcelle de vent dans cette journée « pétoleuse » : fierté et joie à bord !
Revenir dans la baie familière de Douarnenez, retrouver le décor de choix du Rosmeur, les Treizouriens, notre deuxième capitaine Bruno, resté à Douarnenez pour veiller sur Telenn Mor, virer au ras des quais devant des spectateurs ravis, régater pleine voile avec des bateaux de légende et accueillir tous les curieux de passage sur le pont à la nuit tombée… un vrai bouquet final pour le Rossignol !
De retour au Port-Rhu, sagement amarré à coté du Roi Gradlon, An Eostig continue à voir défiler les visiteurs et rêve déjà à ses futures aventures au large !
Année : 2024
De Gallant
Nous avons appris, avec tristesse, le naufrage du navire De Gallant survenu ce 21 mai et la disparition de deux membres de son équipage.
Ce navire de transport à la voile faisait partie du paysage douarneniste et beaucoup de Treizouriens et de Treizouriennes sont proches de ces personnes.
Treizour souhaite donc manifester son émoi face à cette tragédie.
Cette photo qui m’a été donnée par la capitainerie du port de Tréboul, date du 25 février 2024, et elle est la dernière image du Gallant qui quitte Douarnenez, pour toujours…
Une cagnotte de soutien aux membres de l’équipage est en ligne, vous pouvez y participer et y laisser un message :
https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/naufrage-de-gallant
Nous tenions à leur manifester tout notre soutien dans cette épreuve et nos pensées vont à leurs familles et amis.
Amitiés,
Treizour
Le Rossignol s’est envolé !
Photo Nedjma Berder
Par un canular de la météo, le premier avril, jour programmé pour sa première sortie de formation, la chaloupe An Eostig (« le rossignol » en breton) est… restée à quai.
Mais trois jours plus tard, elle fait fi du ciel chargé et des risées à 25 nœuds pour s’élancer vers la baie.
Les deux formateurs de la mairie, Bruno Lehuédé du Port-Musée, et Nicolas Corre du Centre nautique, sont au taquet, comme toujours.
Bruno ou « Bubune » prend la prame motorisée pour sortir le géant du chenal, tandis que Nicolas aka « Choco » organise les manœuvres à bord, selon un plan minutieusement préparé, où chaque membre d’équipage de l’association Treizour a un rôle bien défini.
Le vent capricieux et la prise en main d’un nouveau bateau imposent la prudence. Les capitaines décident donc de prendre cinq ris dans chaque voile pour assurer la sécurité et la sérénité de ce premier entraînement sur le navire ambassadeur de la ville de Douarnenez, sorti en septembre des chantiers de rénovation du Port-Musée et qui doit participer en juillet aux Fêtes maritimes de Brest et Douarnenez.
A terre, nombreux sont ceux qui observent la silhouette familière de la chaloupe à la coque noire et aux voiles cuivrées, tannées de frais par les Treizouriens. Dans son sillage, à bord d’un autre bateau, le plus curieux d’entre eux, Nedjma Berder, nous couve des yeux avec son téléobjectif.
Une grande concentration (et une petite appréhension) sur ce navire réputé « exigeant et bestial » règne au sein d’un équipage aussi content que fébrile d’assurer « LA première nav’ ».
An Eostig c’est le bateau de l’effort collectif et coordonné car sur cette chaloupe XL il est impossible d’être seul à porter une vergue ou à hisser une voile. Il faut se répartir dans l’espace, trouver un rythme commun… La préparation au cordeau des capitaines avec plans plastifiés du bateau et numéros de poste est d’une très grande aide.
Passé le môle du Birou, Bruno coupe le cordon, un frémissement parcourt le bateau qui vole enfin de ses propres ailes.
Premier test : un virement de bord. Simon, notre grand timonier du jour, envoie la barre… la misaine passe et atterrit sans un faux pli (ou presque) de l’autre côté !
Un râle enthousiaste de l’équipage, soulagé et heureux de cette première manœuvre réussie avec souplesse salue cette étape clé.
Les visages des deux chefs se détendent un brin.
A la barre, Guillaume prend le relais. Et alors, ça se pilote comment ? « Comme une mobylette ! », déclare-t-il hilare, déclenchant un grand rire aux abords du tolenn.
Quand tout le monde est rassuré, Bubune quitte la barquette à moteur pour nous rejoindre sur le dance floor !
Après un petit tour d’inspection de Bruno, ponctué de « Non, ça me plaît pas ça ! », et de quelques petits arrangements dans la bonne humeur avec notre fureteur/bricoleur/second de l’avant Jacques, la 2e étape des manœuvres commence : affaler, rehisser les deux voiles !
La misaine ouvre le bal. Petit conciliabule des équipiers de l’avant avec Nicolas et la voile descend tranquillement.
Un cabillot en métal nous fait quelques misères : Il se retrouve ni une ni deux habillé d’une bouée de sauvetage par Choco, non sans une blague : « si le mât tombe à l’eau, il aura son aide à la flottaison » !
Deuxième conciliabule avec les chefs et la remontée de la misaine s’amorce : un deux trois, hisse, un deux trois… la misaine reprend le vent sans encombre.
Entre-temps le soleil a fait son apparition, saluant notre arrivée dans l’écrin du Rosmeur. Un deux-mâts en visite nous offre un point de rotation, le capitaine nous regarde passer. Curiosité mutuelle entre deux vieux machins qui en imposent sacrément.
C’est au tour du Taille Vent de faire l’aller-retour. Ça discute, ça se cale, ça descend, ça remonte sans encombres… même si le point d’écoute reste perfectible.
La feuille de bord du jour est quasiment remplie, une petite détente gagne l’équipage.
« On peut larguer un ris », tente Jacques… pas aujourd’hui répond en souriant Nicolas. Pas de ris en moins pour la chaloupe mais un rire en plus sur le pont !
Quand trois heures plus tard, tout le monde remet pied à terre, les sourires sont larges, la joie est sans nuages : Pas d’accroc notable dans les manœuvres, une coordination fluide, un bateau puissant mais très stable qui offre de belles sensations et fait mentir sa réputation de navire « bestial ».
La magie a opéré, en version XL aussi, l’équipage et ses capitaines ont eu du goût, la grande aventure collective a bel et bien commencé !
Un grand merci à Nedjma Berder.
Extrait du Bulletin à paraître en mai
A force de Volonté !
Textes de Florence Keryell
Fin octobre, nous avons sorti Volonté de l’eau, joué des coudes avec Gondawa qui trônait au milieu du hangar et réclamé notre part de l’abri…La cohabitation d’ailleurs fut fort sympathique avec échanges de « travailleur.e.s » et déjeuners partageurs quasi gastronomiques…
Donc au programme, pour les amoureux du lexique précis, nous avions: le remplacement de la fargue et d’une partie du carreau (répondant aussi au nom de bordés supérieurs à clin), de quelques » jambettes en poireau » (beaucoup plus poétique que renforts de portières), de petits bouts de plat-bord, la rénovation des planchers, et le replacement de la queue de malet décentrée (qui serait quand même plus efficace si on la décalait de quelques centimètres…).
Comme d’habitude, il y a eu sur Volonté de grands renforts de bras pour nettoyer, gratter, démonter les » bouts de bois » cassés, sous les conseils de notre Maître Yvon. Repérage, annotation, brochetage, c’est du sérieux. .. Comme sur l’eau , le moral des troupes fut soutenu par les lichouseries du gouter (aaahh, le far de Jean-Claude…), notre moment collectif qui permet un « pti debrief » des progrès (ou non…!), et de faire plus ample connaissance avec les nouvelles et nouveaux, comme Virginia, Rose, Bastien, venus renforcer l’équipe.
Enfin, enfin, la dernière portière a été découpée, bliouz et lissage terminés, et les artistes peintres sont entrés en jeu pour la mise en beauté de la yole , rondement menée en 3 week-ends, un record. Et zou, après 5 mois de travaux, voilà Volonté à l’eau, brillante de couleurs sous le soleil, parée de mâts neufs, entourée d’une grande équipe plutôt fière d’avoir réalisé ce chantier collectif.
Et maintenant?…on navigue!
La recette pour le tannage des voiles anciennes:
On remplit d’eau de mer, une grande marmite que l’on porte à ébullition, avec un apport supplémentaire de gros sel pour bien fixer la couleur. On ajoute le cachou (écorce d’acacia) qui apporte le tanin nécessaire à la protection des voiles et de la poudre d’ocre naturel, pour la couleur. Un peu de saindoux pour aider à l’imperméabilité; et même, parfois, une variante avec de la cire d’abeille, pour l’odeur et le fun…
Première opération: faire tremper les voiles…Et les remonter pour les étaler sur les estacades. Vu le poids des voiles d’An Eostig, le recrutement des forces vives de Treizour avait été nécessaire, ce jour-là…
Il ne reste qu’à couvrir la voila du fameux lipig et à le faire pénétrer dans la toile avec des balais-brosses.
Ne jamais arrêter de touiller, sinon l’ocre reste au fond et durcit
Quand les voiles ont bien été brossées, la tentation est toujours forte de plonger dans le fond de la marmite, de vieilles vareuses, ou des t-shirts pour leur donner une deuxième jeunesse.
Une fois que le lipig a bien couvert toute la surface, on roule les voiles dans une bâche. Au bout de quelques jours, on les étale à nouveau pour essayer d’homogénéiser la couleur à coup de balais-brosses.
Direction la mer pour rincer abondamment: encore plus lourde, la voile mouillée et tannée.
Il se dit que quand il a fallu mettre les voiles à sécher sous la structure qui a servi à la restauration d’An Eostig, il ne restait que Marcos et Choco pour cette délicate manœuvre… Merci à eux !
An Eostig navigue !
Le 14 septembre 2023, il avait été dit : An Eostig naviguera ! Et le mardi 20 février 2024, An Eostig a fait sa sortie inaugurale avec l’équipe technique du musée, comme équipage et quelques treizouriens…
Laurent Perhérin à la manœuvre sur une prame pour passer le môle du Birou et pour analyser le comportement de la chaloupe sous voiles.
An Eostig, toute une histoire …
Dix ans après la construction du Telenn-Mor par l’association Treizour, une autre authentique chaloupe sardinière bretonne a été mise à l’eau en 1993. Comme Telenn mor, elle fut conçue par l’architecte naval Jean-Pierre Philippe et construite dans le cadre du concours « Patrimoine des côtes et fleuves de France », patronné par le magazine Chasse-marée. Elle a pris le nom de An Eostig (« le rossignol » en breton), comme l’anse de Pors An Eostig, dans la ria de Pouldavid.
Les premières navigations ont laissé le souvenir d’un bateau difficile d’accès. C’est pourquoi, la chaloupe est restée près de 30 ans, sans naviguer, amarrée au ponton du musée. En 2019, sortie d’eau pour l’entretien annuel du bateau, il semble qu’il faille intervenir sur les œuvres mortes, après l’intervention sur les œuvres vives effectuées l’année précédente. Le bateau ne pouvant être remis à l’eau, la décision est prise d’effectuer une restauration complète. On constate, alors, une attaque généralisée de champignons des bois neufs et anciens.
Le public est invité à suivre le chantier, simples passants, groupes scolaires, visiteurs du Port-musée, visiteurs de l’office du tourisme, chacun peut découvrir les particularités de la construction navale et échanger avec les charpentiers. Les travaux sont réalisés pour rendre de la navigabilité au navire; ce choix permet de reprendre les navigations, comme celles réalisées en 1993 avec Treizour et le centre nautique.
Extrait de l’allocution de Jocelyne Poitevin, maire, lors de la mise à l’eau officielle, le 14 septembre 2023 :« Je souhaite saluer le travail des agents du Port-musée. Grâce à eux, ce bateau, qui était bien malade, a aujourd’hui fière allure. Le Port-musée a un savoir-faire qu’il faut s’approprier. C’est une structure vivante, qui bouge et redonne vie à des navires. An Eostig naviguera et représentera la ville de Douarnenez, lors des fêtes maritimes 2024. Merci également aux associations qui l’anime.»
Et, l’association qui l’anime, c’est Treizour ! Extrait de la convention entre la ville de Douarnenez et Treizour:
« L’association Treizour, amis du port-musée, se propose de fournir les équipiers nécessaires à la navigation: La chaloupe étant un bateau municipal, la formation de l’équipage sera assurée par du personnel communal. Treizour apportera son soutien logistique et son savoir-faire pour la pose du lest à l’intérieur de la chaloupe et le tannage des voiles.»
Et donc, samedi 27 février, nous avons envahi le pont du Nizwa (boutre de la mer d’Oman) dont Jocelyn, le propriétaire, a offert les 2 tonnes de lest de son bateau pour lester An Eostig qui n’avait pas été lestée, à l’origine…
Laurent P. nous avait prévenu : bottes et gants de rigueur l’avertissement n’était pas inutile… Peut-être plusieurs dizaines (on n’a pas compté) de sacs, à moitié crevés et baignant dans une eau noirâtre. Au gré de ses choix, chacun a opté pour une des issues qui semblaient accéder à la cale.
A droite de la photo, un accès pour « petits modèles », car elles se sont aperçues que pour remonter, il fallait choisir entre l’épaule et le sac…d’où le travail d’équipe !
Le « modus operandi » choisi par Laurent était de transborder les sacs sur un ponton installé à couple du Nizwa et d’amener le tout à couple d’An Eostig
Le nombre et l’efficacité des treizouriens ont permis à la phase suivante de se réaliser dans la foulée, à la grande satisfaction de Laurent: transborder tous les sacs du ponton, sur le pont d’An Eostig
Il restait à doubler les anciens sacs percés par des sacs neufs et de ficeler le tout, avec du bout de récup’…
Après coup, nous avons évalué que chaque sac a dû être manipulé une bonne dizaine de fois. Soit un total de 20 tonnes passées dans des bras treizouriens…