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Un Rossignol à l’île de Sein

Un Rossignol à l’île de Sein

Tout a commencé par une sérénade, celle de troubadours-charpentiers de marine, de la dernière cuvée des Ateliers de l’Enfer, escortés d’un trublion berlinois. Juste avant l’aube, ils sont venus rendre hommage au bateau ambassadeur de Douarnenez, An Eostig (Le Rossignol en breton) en partance pour Sein, avec un équipage de Treizour. 
Pour rallier l’île, dans une lumière encore incertaine, la chaloupe à la coque noire et aux voiles cuivrées met le cap sur… la rade de Brest ! Les marins savent que le meilleur chemin est celui qui permet de retrouver les amis, même si c’est un gros détour !
Car en ce samedi 28 juin, la grande famille des vieux gréements a rendez-vous bien plus au nord, au port du Tinduff, avec une de leurs figures tutélaires : Notre Dame de Rumengol, qui souffle ses 80 bougies. 
Un an après les fêtes maritimes de Brest et Douarnenez, les 11 équipiers menés par leur capitaine Nicolas Corre, aka « Choco » se réapproprient en douceur grâce à un vent léger (trop parfois) ce Rossignol exigeant aux dimensions XL où l’effort se doit d’être collectif et hautement coordonné.
Passés les Tas de Pois, puis le goulet de Brest, et après la visite surprise d’une « sardine » à la coque en inox étincelante qui voulait recroiser la route de « Don Choco » et du Rossignol, c’est un Tinduff rempli de voiles traditionnelles qui apparaît à l’horizon.
Au milieu de ses vieux amis, Notre Dame de Rumengol, pimpante après son passage au chantier du Guip à Brest, tire des bords avec allégresse.
Au moment de se croiser, An Eostig entonne à plein poumon un « Joyeux aaaaaanniversaaaaaire », à la grande joie des amis du bord d’en face ! Volonté, la yole de Bantry de Treizour est aussi de la fête, tout comme Gondawa des Charpentiers de grève.
Le plan d’eau vibrionne : ça régate, les bras s’agitent, les visages s’illuminent, les manœuvres s’enchaînent… Encore quelques pirouettes dans le port du Tinduff, et le Rossignol fait sa première pause, presque 14 heures après son départ, sur la bouée prêtée par le beau coquillier de la rade Loch Monna. Il s’endort sous une pluie d’étoiles, bercé par les notes chaleureuses du bal Floc’h.
Dimanche, sur une mer qui scintille sous les premiers rayons du soleil, An Eostig repart vers son objectif initial. Entre un vent décidément faible et la nécessaire attente du bon moment de la marée pour accéder à l’île de Sein, sertie de récifs, la navigation s’étire de longues heures.
Enfin la silhouette de son phare majestueux noir et blanc se profile. Le plus dur reste à faire : entrer dans le chenal et trouver notre place dans le port. Au son des annonces de profondeur d’eau et des instructions du capitaine à la barre, la concentration atteint son paroxysme pour se faufiler entre rochers, bouées et petites embarcations. Après une série de virements serrés et le jet de l’ancre, la chaloupe s’arrête d’un coup à quelques mètres du quai, avec une précision saluée par une salve d’applaudissements.
Les (nouvelles) béquilles sont aussitôt mises en place pour permettre l’échouage en toute sécurité du navire qui révélera par la même occasion ses courbes parfaites à marée basse.
Après deux jours intenses de navigation, le lundi c’est relâche. Le bateau s’éparpille pour mieux se retrouver plus tard. Sur le quai, les questions fusent, tout comme les photos. L’équipage explique avec plaisir l’histoire de cette chaloupe emblématique, sortie en septembre 2023 des chantiers de rénovation du Port-Musée et qui n’avait pas navigué pendant 30 ans.
Les Sénans ont l’habitude de voir Telenn Mor, mais An Eostig, c’est une rareté, et personne ne boude son plaisir.
Mardi, le Rossignol a rendez-vous avec une autre légende : Ar-Men. Encore une navigation exigeante, qui prendra une bonne journée et nécessitera toute la dextérité du capitaine et des deux cartographes. Quand sous son plus beau jour, loin de sa réputation d’« Enfer des enfers », le phare mythique s’élève à quelques encablures d’An Eostig, l’émotion est palpable.
Au retour, pour fêter cette journée hors du commun, une tournée d’huîtres est dégustée au pied du phare de Sein. Car si la vie sur les chaloupes, dépourvues de tout confort ou intimité, impose la plus grande simplicité (et une bonne entente), il est un point sur lequel les équipiers de Treizour transigent rarement : la qualité des repas, assurés chacun son tour. Toujours gourmands, gastronomiques même parfois, mais sans jamais rien gaspiller.
Réinstallés dans le port de Sein pour une dernière nuit, la petite équipe plus soudée que jamais se dirige vers le Guéveur, la corne de brume désormais désaffectée, pour admirer le coucher du soleil. Sous un ciel nuageux, il se résume finalement à une rayure. Rose fluo ? Non… « fushoua ! » lance soudain un coéquipier, déclenchant un fou rire qui mettra du temps à s’éteindre… jusqu’à ce qu’Ar-Men s’allume, sous nos yeux et dans nos coeurs où ces trois éclats toutes les 20 secondes ne seront plus jamais de simples petites lumières à l’horizon.
La nuit est encore jeune comme disent les anglais-saxons et elle se referme sur une soirée pleine de joie où il fut question, entre autres, d’une boîte de gâteaux Traou Mad, de vanille, d’une invasion de Huns, d’un escargot en plein record de vitesse, d’un petit sushi et d’une frite dans un coin…
La navigation de retour nous ramène sur terre… avec une sortie tonique du port. Les voiles sont réduites au minimum (5 ris chacune) pour donner le moins de prise possible à un vent bien réveillé. Le raz de Sein facétieux est en mode gros bouillon et la baie de Douarnenez nous accueille avec une franche houle, surfée avec grâce par la belle coque en bois d’An Eostig. 
Le voyage se termine par une figure de style comme Choco en a le secret : un tête à queue créneau exécuté au millimètre, en un coup, au ponton de Treboul, sous les vivats de son équipage fier et heureux d’avoir fait voler une nouvelle fois le Rossignol de Douarnenez. 

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Retour au nid du Rossignol


Les cales pleines de formidables souvenirs des Fêtes maritimes de Brest et Douarnenez, An Eostig (« Le Rossignol » en breton), bateau ambassadeur de la cité Penn Sardin, a retrouvé son nid au Port-Musée fin juillet.
Parti le 10 juillet du port de Tréboul avec son équipage de bénévoles de l’association Treizour, l’oiseau rare, qui n’avait pas navigué depuis presque 30 ans, n’a pas ménagé ses efforts pour tenir son rang au milieu d’un aréopage fringant de vieux gréements tous plus beaux les uns que les autres, réunis pour des fêtes comme le Finistère n’en avait pas connues d’aussi fastes depuis huit ans.
Pour les équipiers et leurs deux capitaines/formateurs de la mairie, Nicolas Corre et Bruno Lehuédé, c’était l’aboutissement de quatre mois d’entraînement intensif, au cours desquels chacun avait un poste précis tant pour les manœuvres que pour la vie à bord.
Défi relevé, haut l’aviron ! Des redoutés Tas de Pois, au créneau serré sur le Quai Malbert à Brest, le Rossignol n’a pas failli, volant sur les flots avec une simple brise, se faisant largement remarquer par sa coque noire pimpante, ses larges voiles tannées de frais et ses manœuvres au cordeau.
Comment oublier l’arrivée, en toute intimité, dans une nuée de voiles serrées, dans le port de Brest et le regard médusé du pilote du Zodiac de sécurité découvrant qu’An Eostig venait de faire tout ça sans moteur…
Sur les pontons brestois, la magnifique exposition conçue par Jacques Van Geen sur L’Epopée sardinière, transportée dans les cales, et montée dès l’arrivée par tout l’équipage et son créateur, a aussi attiré beaucoup de curieux et suscité des échanges riches et nombreux.
« An Eostig, si je m’attendais, je ne pensais jamais la revoir naviguer, cette chaloupe sardinière de Douarnenez », s’est exclamé un passionné qui réservait des tournées de croissants à ses bateaux préférés.
La vie à bord a aussi captivé les passants : « vous dormez à bord, mais vous êtes combien ? Et vous tenez à 12 là-dessous ? ». Un petit tour sous le pont, où sans pouvoir tenir debout, il faut slalomer entre les barres de plombs, l’ossature du navire, les hamacs serrés en échappant aux flaques de fond de cale, achevait de les convaincre de notre passion pour ce bateau.
Les repas sur le tolenn avec la tête du cuisinier du jour qui dépasse de la trappe d’accès et envoie les plats dans la bonne humeur ont aussi clairement fait recette !
Pour la Grande Parade du retour à la maison, moment unique s’il en est entre Tas de Pois et Abeille Bourbon toute en geysers, Camille Gontier, le président des Fêtes maritimes de Douarnenez nous a fait l’honneur d’un long passage à bord.
Pour l’occasion, notre capitaine de croisière, Nicolas, a déroulé les voiles rouges, avec un ballet improvisé de configurations de toiles inédites pour capter la moindre parcelle de vent dans cette journée « pétoleuse » : fierté et joie à bord !
Revenir dans la baie familière de Douarnenez, retrouver le décor de choix du Rosmeur, les Treizouriens, notre deuxième capitaine Bruno, resté à Douarnenez pour veiller sur Telenn Mor, virer au ras des quais devant des spectateurs ravis, régater pleine voile avec des bateaux de légende et accueillir tous les curieux de passage sur le pont à la nuit tombée… un vrai bouquet final pour le Rossignol !
De retour au Port-Rhu, sagement amarré à coté du Roi Gradlon, An Eostig continue à voir défiler les visiteurs et rêve déjà à ses futures aventures au large !

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Le Rossignol s’est envolé !

Photo Nedjma Berder

Par un canular de la météo, le premier avril, jour programmé pour sa première sortie de formation, la chaloupe An Eostig (« le rossignol » en breton) est… restée à quai.
Mais trois jours plus tard, elle fait fi du ciel chargé et des risées à 25 nœuds pour s’élancer vers la baie.

Les deux formateurs de la mairie, Bruno Lehuédé du Port-Musée, et Nicolas Corre du Centre nautique, sont au taquet, comme toujours.

Bruno ou « Bubune » prend la prame motorisée pour sortir le géant du chenal, tandis que Nicolas aka « Choco » organise les manœuvres à bord, selon un plan minutieusement préparé, où chaque membre d’équipage de l’association Treizour a un rôle bien défini.

Le vent capricieux et la prise en main d’un nouveau bateau imposent la prudence. Les capitaines décident donc de prendre cinq ris dans chaque voile pour assurer la sécurité et la sérénité de ce premier entraînement sur le navire ambassadeur de la ville de Douarnenez, sorti en septembre des chantiers de rénovation du Port-Musée et qui doit participer en juillet aux Fêtes maritimes de Brest et Douarnenez.

A terre, nombreux sont ceux qui observent la silhouette familière de la chaloupe à la coque noire et aux voiles cuivrées, tannées de frais par les Treizouriens. Dans son sillage, à bord d’un autre bateau, le plus curieux d’entre eux, Nedjma Berder, nous couve des yeux avec son téléobjectif.

Une grande concentration (et une petite appréhension) sur ce navire réputé « exigeant et bestial » règne au sein d’un équipage aussi content que fébrile d’assurer « LA première nav’ ».
An Eostig c’est le bateau de l’effort collectif et coordonné car sur cette chaloupe XL il est impossible d’être seul à porter une vergue ou à hisser une voile. Il faut se répartir dans l’espace, trouver un rythme commun… La préparation au cordeau des capitaines avec plans plastifiés du bateau et numéros de poste est d’une très grande aide.

Passé le môle du Birou, Bruno coupe le cordon, un frémissement parcourt le bateau qui vole enfin de ses propres ailes. 

Premier test : un virement de bord. Simon, notre grand timonier du jour, envoie la barre… la misaine passe et atterrit sans un faux pli (ou presque) de l’autre côté ! 
Un râle enthousiaste de l’équipage, soulagé et heureux de cette première manœuvre réussie avec souplesse salue cette étape clé.

Les visages des deux chefs se détendent un brin.

A la barre, Guillaume prend le relais. Et alors, ça se pilote comment ? « Comme une mobylette ! », déclare-t-il hilare, déclenchant un grand rire aux abords du tolenn.

Quand tout le monde est rassuré, Bubune quitte la barquette à moteur pour nous rejoindre sur le dance floor !
Après un petit tour d’inspection de Bruno, ponctué de « Non, ça me plaît pas ça ! », et de quelques petits arrangements dans la bonne humeur avec notre fureteur/bricoleur/second de l’avant Jacques, la 2e étape des manœuvres commence : affaler, rehisser les deux voiles !

La misaine ouvre le bal. Petit conciliabule des équipiers de l’avant avec Nicolas et la voile descend tranquillement.
Un cabillot en métal nous fait quelques misères : Il se retrouve ni une ni deux habillé d’une bouée de sauvetage par Choco, non sans une blague : « si le mât tombe à l’eau, il aura son aide à la flottaison » !

Deuxième conciliabule avec les chefs et la remontée de la misaine s’amorce : un deux trois, hisse, un deux trois… la misaine reprend le vent sans encombre.

Entre-temps le soleil a fait son apparition, saluant notre arrivée dans l’écrin du Rosmeur. Un deux-mâts en visite nous offre un point de rotation, le capitaine nous regarde passer. Curiosité mutuelle entre deux vieux machins qui en imposent sacrément.

C’est au tour du Taille Vent de faire l’aller-retour. Ça discute, ça se cale, ça descend, ça remonte sans encombres… même si le point d’écoute reste perfectible.

La feuille de bord du jour est quasiment remplie, une petite détente gagne l’équipage.
« On peut larguer un ris », tente Jacques… pas aujourd’hui répond en souriant Nicolas. Pas de ris en moins pour la chaloupe mais un rire en plus sur le pont !

Quand trois heures plus tard, tout le monde remet pied à terre, les sourires sont larges, la joie est sans nuages : Pas d’accroc notable dans les manœuvres, une coordination fluide, un bateau puissant mais très stable qui offre de belles sensations et fait mentir sa réputation de navire « bestial ».
La magie a opéré, en version XL aussi, l’équipage et ses capitaines ont eu du goût, la grande aventure collective a bel et bien commencé !

Un grand merci à Nedjma Berder.